Le fantasme
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Le Petit Larousse définit la chute comme le fait de tomber, de se détacher de son support.
La « Chute libre », est encore plus évocatrice. Une descente vertigineuse, potentiellement fatale, vers le sol qui se rapproche à vue d’œil.
Parallèlement, une extraordinaire sensation de liberté, une intensité de vivre décuplée, semble-t-il, à l’infini. Un savant mélange d’excitation, d’exaltation et de peur panique, rehaussé de fortes doses de toutes ces hormones euphorisantes qui finissent en « ine »… adrénaline, dopamine, sérotonine. De quoi devenir accro, si on y survit!
L’estomac noué, aux prises avec une peur viscérale, on se dit : « Tout va bien aller, non? Il y a le parachute!». On se le répète, inlassablement, comme un leitmotiv, une litanie grinçante qui sonne faux et au sein de laquelle vient toujours se glisser une fausse note! On s’y accroche éperdument, comme à une bouée de sauvetage inutile qui ne peut nous sauver. Les bouées de sauvetage, on le sait bien, ça ne fonctionne que dans l’eau!
Si seulement on pouvait avoir une GARANTIE!
En bout de ligne, en plein saut, lorsqu’il sera trop tard pour reculer, ce bidule qui représente notre seule chance de survie… S’ouvrira? Ne s’ouvrira pas?
La chute libre demande beaucoup de courage, voire un brin de folie. Une insatiable envie de repousser ses limites, une soif inextinguible de voir jusqu’où on est capable d’aller. Mais aussi et surtout, il ne faut pas avoir froid aux yeux car, avant même de tomber, il faut faire le pas le plus difficile. OSER se lancer dans le vide!
Ceci va à l’encontre de toutes les notions inculquées depuis notre plus tendre enfance. La gravité est sans aucun doute la première loi universelle que l’on apprend, encore en couches, à grand renfort de chutes sur le popotin.
Plus tard, le bambin impétueux se voit constamment rappelé à l’ordre : «Fais attention, tu vas tomber! ». Ou «Vas pas là-haut, c’est dangereux!» et l’éternel « C’est trop haut, descends, tu vas te faire mal!». Malheureusement, cet apprentissage bien intentionné, destiné à nous préserver de tout danger, finit par nous rogner les ailes et nous clouer au sol. Perdurant bien au-delà de l’adolescence, si l’on n’y prend garde, il est passible de s’incruster si sournoisement, si profondément dans notre schème de pensée qu’il pourrait étouffer en nous toute envie de risque, toute témérité, nous asphyxiant lentement mais sûrement.
Ok, j’exagère. Un peu. Et puis après?
J’aime bien l’exagération! Vous vous en rendrez compte rapidement au fil de vos lectures. Elle est tellement plus intéressante, plus riche, féconde et prolifique que la mesure! Me permettant de jouer avec les mots, créant des images dans votre tête aussi sûrement et efficacement que je le ferais avec un pinceau sur une toile!
La réalité
C’est donc bien assise devant mon ordinateur que j’écris ces quelques lignes. Le dos droit, bien soutenu, les fesses posées sur une chaise. Confortable. En sécurité. Protégée. Rien de bien audacieux là dedans, n’est-ce-pas?
Et pourtant…
Devant une page blanche, ou face à une toile tout aussi blafarde et vierge, intimidante, les mêmes sentiments de panique, de trac, d’insécurité, mais aussi, d’excitation et d’enthousiasme m’empoignent les tripes.
Cette démarche que j’entreprends me laisse apeurée, paniquée, n’ayant qu’une envie… prendre mes jambes à mon cou et filer sans demander mon reste!
Toutefois, plus fortes et persistantes que la peur qui me susurre que je vais assurément tout rater et me planter misérablement, plus séduisantes, attirantes et puissantes encore sont mon envie et ma détermination à faire exactement ça… sauter dans le vide!
Me découvrir, me révéler, me mettre à nu, me rendre vulnérable à la critique.
Oui, c’est bel et bien mon intention.
Survivra, survivra pas?
∼
The fantasy
The “Petit Larousse” dictionary defines the fall as a drop, the fact of becoming detached from one’s support.
The expression « free fall » is even more evocative. It’s a dizzying, potentially fatal descent towards the ground approaching at frightening speed. Yet, at the same time, an extraordinary feeling of freedom, a thirst for life multiplied, not by a tenfold, but to infinity.
A clever mix of excitation and fear doubled with high doses of all these uplifting hormones that end with « in ». Adrenalin, dopamin, serotonin. It’s enough to become addicted, if one survives!
The stomach in knots, faced with a visceral fear, you tell yourself: « Surely, everything will be ok, right? I have a parachute! ». You keep repeating this, over and over again, tirelessly, like a leitmotif, a creaky, distorted litany! You cling to this only thought, madly and pathetically, like you would hold onto a useless lifeline that can’t save you. It’s a well known fact that lifelines… only work in water!
If ONLY one could have a GUARANTEE!
In the end, while in full jump, when it’s too late to go back, this… this thingy strapped to your back, that represents your only chance at survival… Will it open? Or will it not?
Will you survive? Or not?
Freefalling requires a lot of courage, some might even say a touch of madness. Undoubtedly, you need an insatiable desire to push one’s limits, an unquenchable thirst to see how far you can go. But also and above all, you can’t get cold feet because, even before falling, one has to take the most difficult step. DARE to jump into emptiness!
Very hard to do when this goes against all the concepts we we’re taught since childhood. Gravity is, without a doubt, the first universal law that one learns, while still in diapers, through numerous and repeated falls on the butt.
Later, the impetuous child is constantly reminded: »Be careful now, you’re going to fall down! ». Or: « don’t go up there, it’s dangerous! » and the ever popular: « It’s too high for you, come down or you’ll hurt yourself! » Unfortunately, this well-intentioned concern destined to preserve us from all danger, eventually ends up cropping our wings, nailing us to the ground.
Lasting well beyond adolescence, this overcautious attitude is liable to settle so slyly, so deeply into our scheme of thought that it might, if we’re not careful, stifle in us all desire to take risks, all recklessness. And slowly but surely smother us.
Ok… I’m exaggerating. A bit. So what?
I like the hype! You will quickly realize this if you keep on reading me. Exaggeration is so much more interesting, rich, fertile and prolific than measure! It allows me to play with words, creating images in your head as surely and effectively as I would with a paintbrush on a canvas!
The reality
It is at my computer desk that I am writing these lines. My back is straight, well supported, my butt resting on the chair. Comfortable, secure, protected. There’s nothing very daring or exciting in doing this right?
And yet.
Sitting before a white page, or facing a canvas just as blank and intimidating, the same feelings of panic, stage fright and insecurity wring my guts. But also present are the excitement and enthusiasm.
This new venture I’m embarking on leaves me scared, panicked, with only one desire… turn around and run as fast as I can!
However, even stronger and more persistent than the fear whispering in my ear, telling me that I will most certainly fail and crash miserably, more seductive, attractive and powerful are my desire and my determination to do exactly that! Take the jump, the giant leap of faith into the void!
Exposing, revealing myself, becoming vulnerable to criticism. Yes, it is indeed my intention.
Shall I survive? Or not?